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Ket Hagaha... en 1O questions !
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    1. Ket Hagaha, à quoi rêviez-vous quand vous étiez enfant ? La musique faisait-elle déjà partie de votre vie, de votre univers familial ?

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Oui et non. Quand j’étais enfant à Luanda, la seule chose qui m’importait, c’était de grandir pour être comme les jeunes qui écoutaient les idoles de l’époque à la radio : la musique locale, brésilienne, le rock, la musique française… puis de devenir adulte pour correspondre aux rêves de mes parents : aller à l’université, être archéologue, architecte, avocat ou mieux encore : médecin !

Mais la vie m’a désigné un autre chemin. D’abord grâce à mon papa qui amenait des amis à la maison pour jouer de la musique traditionnelle angolaise, acoustique. Et Puis, grâce à ma maman, avec qui je me rendais à l’Église protestante. J’étais fasciné par l’orgue, la chorale, les harmonies… Je pense que c’est là que j’ai commencé à écouter les sons autrement…

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    2. Pourquoi cette inclination pour le piano ? Vous l’expliquez-vous ?

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Je suis tombé amoureux d’un piano à l’âge de 8 ans. Littéralement. C’était avant la révolution de 1975. Parfois, avec les copains, on allait à la mer plutôt que de rester à l’école quand un professeur était absent. Tout cela, bien sûr en cachette de nos parents ! C’est au retour d’une de ces escapades que je l’ai vu dans une vitrine. J’étais subjugué, tant par l’esthétique de l’instrument que par le mystère qu’il représentait que par les notes que j’entendais dans ma tête. Après, j’ai trouvé tous les prétextes pour passer devant cette vitrine ! Ce piano, j’ai dû le contempler pendant des heures.

Je rêvais d’entrer à l’académie de musique, qui n’était pas très loin, mais il y a eu la guerre. Y rentrer, comme aller à l’université est devenu une utopie. Les expats et beaucoup d’Angolais  ont quitté le pays, Luanda était dévasté. Nous, les enfants, on jouait avec des douilles dans la rue, c’était périlleux, surréaliste. Beaucoup de mes amis sont morts. Avec ma maman et mes frères et sœurs, on s’est réfugié dans son village d’origine, on a traversé la jungle et on a fait face à d’autres dangers, ceux de la nature. Le contraste avec la vie en ville était saisissant !

J’étais ado quand l’indépendance a été célébrée. La ville a commencé à renaître sur ses ruines et nous y sommes revenus. L’académie a rouvert. Je m’y suis inscrit avec mon frère et quelques amis, en secret. On pensait apprendre le piano en dix jours ! La chorale était obligatoire. J’ai été assez vite repéré.

 

    3. À quel moment votre entourage a-t-il compris que ne pouviez être que musicien ?

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Mes parents ne se sont doutés de rien jusqu’au jour où je leur ai remis une invitation pour assister au récital de fin d’année que je donnais à l’académie. C’était une belle invitation, dorée, avec un sceau officiel.

J’avais très peur de leur réaction, mais ils sont venus m’écouter. Comme les professeurs avant eux, ils n’ont pu que se rendre à l’évidence. Ma photo est parue dans un petit journal régional. J’étais devenu une sorte de phénomène. 

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    4. Dans quelles circonstances avez-vous fondé le groupe Afra Sound Stars ?

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À l’époque je travaillais dur pour apprendre le piano classique. C’était un instrument rare en Afrique. J’avais conscience que cette maitrise m’amènerait un jour à ma propre musique. L’académie était devenue un lieu privilégié pour les jeunes. Un garçon plus âgé m’a remarqué. C’était une sorte d’idole locale, très respectée. Il jouait de la basse, était gardien de foot. Il m’a présenté à un groupe de musiciens, l’embryon d’Afra Sound Stars. Il était certain que j’allais pouvoir leur apporter quelque chose d’unique. C’était une sorte de visionnaire.

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     5. Vous êtes l’auteur, compositeur et arrangeur de plusieurs tubes d’Afra Sound Stars. Avez-vous conscience de l’impact de ces titres sur le succès du groupe et sur le peuple angolais ?

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Oui. C’est gratifiant parce que quand j’ai écrit ces morceaux, Afra Sound Stars était à ses débuts, mais consolidait son succès et son évolution. On jouait dans les écoles, on a commencé à nous voir beaucoup à la télévision. On était forcément très proches de la jeunesse qui nous voyait comme des rebelles. Du coup, on était aussi critiqué : on avait pris des noms bizarres, on jouait de la musique urbaine, réellement différente : une musique universelle aux saveurs angolaises, qui ne laissaient personne indifférent.

Aujourd’hui, alors que la situation politique vient encore de changer, c’est bouleversant de voir à quel point nos morceaux sont restés dans les esprits.

 

     6. Parlez-nous de votre premier album solo Afra'ndo..

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C’est ma rencontre avec Paul Biss pour qui j'ai composé et arrangé des chansons, qui m’a permis de concrétiser mon premier album. J’ai toujours composé mes propres morceaux, en parallèle avec mon travail pour Afra Sound Stars. Paul Biss est devenu mon ami et mon producteur. Dans cet opus, il y a huit titres originaux et trois chansons issues de la tradition angolaise, que j’ai arrangées.

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     7. Comment qualifieriez-vous votre manière de faire et de penser la musique ? Avez-vous des « modèles » musicaux ?

 

J’essaie que ma musique touche à l’universel, à l’authentique. Comme la bonne cuisine, elle ne sera exceptionnelle qu’en y mêlant une épice qui la rendra différente, sans la dénaturer.

Je suis très attentif à la qualité sonore, au mariage des sonorités, à la combinaison des instruments, qu’ils soient traditionnels, électroniques, insolites parfois, comme le bruit d’une cuiller sur un verre ou d’un claquement de pas. Comme un chef d’orchestre, mon oreille et ma pensée sont multiples. Je suis en perpétuelle recherche de l’harmonie.

Quant aux modèles, bien sûr, tout au long de ma vie, j’ai admiré des artistes, pour leur musique ou leur manière de gérer leur carrière. Plutôt que de les citer, je préfère dire qu’ils m’ont nourri, et me nourrissent encore de leurs talents respectifs.

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     8. Vous êtes multi instrumentiste et vous offrez aussi vos services d’arrangeur à d’autres artistes en mettant votre studio à leur disposition. 

En quoi consiste cette facette de votre travail ?

 

J’adore mener un artiste à la concrétisation de son projet. De rien, on va vers tout. Qu’on m’apporte une mélodie, une base instrumentale, un texte ou même un mot, mon cerveau se met en branle dès lors que l’entreprise me séduit. Mon studio est là pour matérialiser ces moments d’inspiration. C’est comme réaliser une peinture d’émotions. Ce sont les nuances qui font la réussite d’un morceau.

 

     9. Vous collaborez actuellement avec la romancière, nouvelliste Ziska Larouge. en enregistrant ses textes, mais aussi en composant  un univers musical unique pour chacun d’eux. Est-ce pour vous une manière de vous rapprocher de votre rêve de travailler un jour pour le cinéma ?

 

Oui. Un générique de début ou de fin, ça parle beaucoup du film qu’on va ou qu’on vient de voir. Tout comme la musique qui le soutient tout du long. C’est fascinant. Michael Jackson disait qu’un texte bien musicalisé donne à voir, sans qu’on ait forcément besoin d’images.

Les nouvelles de Ziska Larouge sont comme des voix à musicaliser. Son écriture est très visuelle et j’essaie de créer pour ses textes la musique qui viendra encore plus stimuler l’imaginaire des gens, leur donner la bonne expression pour chaque personnage, chaque situation. Ziska Larouge, c’est un bon trampoline pour toucher le cinéma du doigt !

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  1. Que peut-on souhaiter à Ket Hagaha ?

 

D'enrichir ma discographie et de concrétiser de nombreux projets musicaux, les miens et ceux des autres. D’améliorer encore et toujours la qualité de mon travail en studio et plus largement de… continuer !

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